mercredi 18 juin 2008

Obama - McCain : QUEL PRESIDENT POUR LES ETATS-UNIS ?

À gauche, Barack Obama, 46 ans, sénateur depuis moins de quatre ans, orateur né au sourire éclatant et dont le père est kényan. À droite, John McCain, 71 ans, vétéran du Vietnam, prisonnier de guerre, piètre tribun mais vieux routard originaire de l’Arkansas. Alors que le premier se pose comme l’incarnation d’un « changement dans lequel vous pouvez croire », le second se présente comme « un leader dans lequel vous pouvez croire ». Deux slogans, deux hommes, et une même ambition : s’installer à la Maison-Blanche. État des lieux d’un rapport de force.
Si John McCain est depuis plusieurs mois déjà le candidat des républicains à la présidentielle, ses concurrents au sein du parti ayant rapidement rendu les armes, Barack Obama aura dû se battre jusqu’à la toute dernière primaire, avant de décrocher le titre de candidat des démocrates. Si la durée et l’âpreté des primaires démocrates opposant Obama à une Hillary Clinton belliqueuse aura permis aux Américains de mieux se familiariser avec un personnage jusque-là peu connu de la scène politique, certains analystes estiment qu’Obama risque de payer le prix des divisions du Parti démocrate.
« Les primaires démocrates ont été très longues et très serrées, ce qui a fait craindre à de nombreux analystes une lutte fratricide ayant pour conséquence une division de l’électorat, et un avantage pour les républicains. Toutefois, avec la victoire de Barack Obama et le soutien que lui a apporté Hillary Clinton, l’unité du parti semble en marche, et nous revenons à une lutte plus “traditionnelle” entre républicains et démocrates, dans laquelle le “vote par défaut” s’impose pour de nombreux électeurs », estime toutefois Barthélémy Courmont, chercheur à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques) et spécialiste des États-Unis. Même constat pour William Galston, pilier de la Brookings Institution, un think tank américain, et ancien conseiller de Bill Clinton. « Le Parti démocrate dispose d’assez de temps pour préparer sa convention nationale et la campagne de l’automne. En outre, McCain n’a pas su profiter des deux derniers mois », souligne-t-il.
Certains analystes ont également estimé que Barack Obama pourrait avoir des difficultés à capter l’électorat de Hillary Clinton. « Certains se montreront timides à le soutenir, notamment les démocrates blancs des classes moyennes qui ont apporté leur soutien à Clinton. Mais là encore, le vote par défaut et le souhait de faire barrage au candidat républicain l’emporteront », estime le chercheur de l’Iris.

Manque d’expérience

Depuis qu’il est entré dans la course à la Maison-Blanche, Barack Obama a régulièrement été attaqué, par Hillary Clinton puis John McCain, sur son manque d’expérience. « Le manque d’expérience est toujours un problème, surtout quand la Défense et les Affaires étrangères, sont des dossiers importants. Toutefois, les Américains aspirent à un changement. Être nouveau sur la scène politique peut donc être un avantage pour Obama », estime William Galston. « Le candidat démocrate va en outre profiter du soutien actif de l’entourage de Hillary Clinton, ce qui lui permettra de combler son déficit en matière d’expérience », ajoute Barthélémy Courmont.
Barack Obama est également un candidat dont les origines sont un paramètre important dans cette campagne. Si un certain nombre d’électeurs démocrates ont été séduits par les origines mixtes d’Obama, ne risquent-elles pas de lui porter préjudice dans la seconde et dernière partie de la campagne ? « Les mentalités ont changé aux États-Unis, comme ailleurs, et il n’y a pas de raison particulière pour que ses origines ethniques lui soient préjudiciables, estime l’expert de l’Iris. Par ailleurs, et c’est un point essentiel, Obama est parti à la conquête d’États votant “républicain” depuis plusieurs élections, notamment le Sud, et son aptitude à rassembler l’électorat afro-américain dans ces États pourrait lui assurer de bons scores. Pour le reste, il a prouvé qu’il pouvait s’imposer dans des États “blancs”, et c’est d’ailleurs là qu’il a fait ses meilleurs scores. »
Pour William Galston, « certains Américains ne veulent pas soutenir un candidat afro-américain », mais un grand nombre d’électeurs non seulement n’ont pas de problème avec ses origines, mais « sont avides de soutenir Obama ».

L’héritage d’un président impopulaire

Côté républicain, le plus grand défi pour John McCain est de se distancier du président sortant, George W. Bush, fortement impopulaire à l’issue de son double mandat. Tout au long de sa campagne, McCain a d’ailleurs bien pris soin de ne pas trop s’afficher avec Bush. L’impopularité de Bush risque-t-elle, malgré tout, de porter préjudice au candidat McCain ? « McCain n’a pas d’autre choix que de se distancier d’un président extrêmement impopulaire. Le problème est, néanmoins, que s’il se distancie trop de Bush, il risque de perdre les votes des supporters du président sortant. Il doit donc trouver le bon équilibre », estime William Glaston. Équilibre d’autant plus important à trouver que McCain doit également rassurer l’aile dure des républicains qui ne lui a pas pardonné son projet avorté de régularisation de millions d’immigrés clandestins.
Par ailleurs, si John McCain n’a pas de problème majeur du côté de l’expérience, son âge, 71 ans, pourrait être un handicap. Et ce d’autant plus que le candidat républicain a eu ces dernières années quelques problèmes de santé, dont un cancer de la peau, soigné en 2000.
Aujourd’hui, c’est sur les questions économiques, priorité des Américains, que les candidats s’affrontent. A priori, Barack Obama, démocrate et engagé sur le terrain social depuis des années, part avec un avantage. Mais John McCain, qui reconnaît lui-même avoir peu d’expérience en la matière, a su s’entourer d’une équipe de conseillers.
À cinq mois du scrutin, les jeux sont complètement ouverts. Entre ces deux personnages atypiques de la scène politique américaine, le débat promet d’être long et dur.